Les conditions à réunir pour faire des territoires des acteurs pivot de la transition

Après deux siècles d’effacement croissant au profit des Etats et des grandes entreprises, on assiste aujourd’hui à une revanche des territoires : les bassins de vie se révèlent des espaces essentiels d’invention et de mise en œuvre de la transition vers des sociétés durables justement parce qu’ils sont un espace potentiel d’invention ou de renforcement des relations. Mais il ne s’agit encore que de potentialités et tout l’enjeu est de dépasser la situation actuelle, où à maints égards les territoires restent des acteurs du passé pour en réaliser les potentialités. 

A1. Outiller les territoires pour leur permettre d’assurer leur rôle pilote de la transition : créer dans chaque territoire une Agence œconomique territoriale, cofinancée par les collectivités et l’État pour doter les territoires de l’expertise nécessaire pour conduire la transition.

A2. Redistribuer les pouvoirs et doter les territoires d’une véritable autonomie financière : seule cette capacité d’action permettra de sortir des logiques normatives et sectorielles aujourd’hui imposées par l’État.

A3. Promouvoir la gouvernance à multi-niveaux. Contrairement aux hypothèses fondatrices de la décentralisation en France, aucun véritable défi de la société ne peut être relevé à une seule échelle de gouvernance. C’est, au contraire, la coopération entre les différents niveaux qu’il faut organiser en mettant en place en France, comme c’est déjà recommandé dans l’élaboration des politiques européennes, une gouvernance à multi-niveaux fondée sur le principe de subsidiarité active.

A4. Réinventer l’État territorial et conduire la révolution culturelle des services de l’État. Après la décentralisation l’État prétend continuer à régenter les territoires mais de loin, des préfectures de régions ou de l’administration centrale. Pour assumer son nouveau rôle dans le cadre de la gouvernance à multi-niveaux et faire en sorte que l’État soit le partenaire et non plus le tuteur des territoires, il faudra apprendre aux services de l’État leur nouveau métier.

A5. Inscrire l’action de l’État dans un partenariat à long terme avec les territoires, accompagnant des stratégies longuement mûries localement. Conduire la transition à partir des territoires suppose une mise en mouvement de tous les acteurs publics et, privés et une stratégie à long terme longuement mûrie. C’est l’élaboration puis la réalisation de ces stratégies à long terme que l’État doit être capable d’accompagner en lieu et place des coups de butoir des plans de relance et de l’empilement des procédures.

A6. Enraciner l’éducation dans les réalités territoriales et les enjeux du développement durable. L’éducation est décisive pour préparer les nouvelles générations à conduire la transition responsable vers des sociétés durables, ce que ne permet ni une éducation disciplinaire coupée du terrain ni un discours sur la responsabilité qui ne s’accompagne pas de projets conçus et mis en œuvre par les élèves. Ce qui suppose d’ancrer l’enseignement dans les territoires.

A7. Donner aux territoires les moyens de faire évoluer les systèmes agroalimentaires. Agriculture et alimentation ont un poids considérable sur l’empreinte écologique des Français. C’est à partir des territoires que l’on peut apprendre à mesurer cette empreinte et à la réduire de multiples manières impliquant le système éducatif, la grande distribution, les relations ville – campagne, les modèles agricoles, la gestion des terres, etc. Les marges de manœuvre accrues données au niveau national par la nouvelle Politique agricole commune doivent être utilisées pour stimuler une approche agroalimentaire globale au niveau des territoires.

A8. Faire des territoires l’espace par excellence de l’initiative collective et de la cohésion sociale.

Le modèle français actuel de lutte contre l’exclusion sociale, fondé sur de multiples dispositifs nationaux ayant chacun une cible sectorielle a atteint ses limites et son efficacité est faible en comparaison des moyens financiers engagés. C’est à l’échelle territoriale que l’on peut transformer ces transferts financiers en une réelle politique d’insertion de tous. De nombreux exemples le montrent. Il faut passer de dispositifs expérimentaux à de nouveaux principes généraux.